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À Victor Hugo


Des poètes du monde, ô le plus somptueux !
Toi, des purs écrivains le plus majestueux,
Hugo ! puits cérébral où flambait la pensée,
La louange envers toi ne peut qu’être insensée,
Car tu t’élevas trop loin au-dessus du sol,
Puissant aigle en lequel chantait un rossignol !
Il faudrait devenir ce que toi seul pus être,
À ton lyrisme unique en force, il faudrait naître
Pour savoir exalter avec juste chaleur,
De tes vers colossaux la suprême valeur,
Rappelle-t-on à Dieu sa grandeur dominante,
De même qu’au soleil sa splendeur rayonnante ?
Est-ce avec un discours ou par un madrigal
Que l’on flatte un génie énorme, sans égal ?
Non ! mieux vaut du côté faible de la balance
Mettre, pour faire poids, la pierre du silence,
Et point dans de vains mots essayer de scruter
L’esprit avec lequel nul n’oserait lutter.
Aux régions d’azur il n’est que des dieux mêmes,
Dignes d’apprécier tes éclatants poèmes,
De couronner tes chants de lumineux amour,
D’associer ton oeuvre à la gloire du jour.
Pour te perpétuer, ô Maître très auguste,
L’Histoire semble aussi mesquine que le buste,
Il ne se peut, afin de contenir ton nom,
Qu’un gigantesque autant qu’immortel Parthénon !
Car de quelle hauteur dépassas-tu la foule ?
L’Idée en ton cerveau fut le torrent qui roule,
Cascade jaillissante éclaboussant les airs
Pour se précipiter dans l’abîme des mers !
Toujours en fusion, bouillonnante et sublime,
Ta pensée atteignit sans vertige la cime
Fatale aux mieux trempés, d’où nous retombons tous,
Punis ainsi de nos projets vastes, mais fous.
Ton front naquit géant ennemi de l’entrave,
S’isola fièrement de cette troupe esclave
Pour qui les préjugés, les principes, les lois
Représentent avant la logique, les droits.
La chère liberté, tu la voulais humaine ;
Tu plaignis, tu soutins ceux que blessait la chaîne,
Et tu donnas l’exemple aux régimes altiers
De toutes les grandeurs, de toutes les pitiés !
Ton style de raison, de bonté, de droiture
Incarnait avec la vérité, la nature ;
Sur l’hypocrisie et les superstitions
Tu jetas sans retour tes malédictions.
Puis, couvrant de mépris ce qu’on nomme puissance,
Ce qu’un peuple trompé par des dehors, encense,
Tu mis au-dessus du privilège intrigant,
Ruy Blas le valet comme Hernani le brigand.
Ta plume désignait au pilori l’infâme,
Tandis que fleurissait dans ta généreuse âme
L’excuse franche unie au pardon solennel
Envers le gueux que son malheur fit criminel.
Ton jugement sapant les procédés antiques,
Par son autorité musclait les critiques,
Avait vite réduit ceux qui regimbaient trop...
Contre ton élixir que pouvait leur sirop ?
Aussi plus belle, Hugo ! restera ta mémoire,
Tes livres comparés à ce piteux grimoire,
Produit d’orgueil encor du poète actuel,
Poussive haleine auprès de ton souffle éternel !




Madame de TERSAC, Au gré du souffle, 1903.

 

 

 

 

 

 

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