Carillons de Noël

 

 

Le vieux sonneur monte au clocher,

Jusqu’aux meurtrières béantes

Où les corneilles vont nicher,

Et, chétif, il vient se percher

Au milieu des poutres géantes.

 

Dans les ténèbres où ne luit

Qu’un falot pendant aux solives,

Il s’agite et mène grand bruit

Pour mettre en danse cette nuit

Les battants des cloches massives.

 

Joyeuses, avec un son clair,

Les voix des cloches, par le faîte

Des lucarnes, s’en vont dans l’air,

Sur les ailes du vent d’hiver,

Comme des messagers de fête.

 

Noël ! Noël !... Sur les hameaux

Où les gens rentrent à la brume ;

Sur les bois noirs et sur les eaux

Où tout un peuple de roseaux

Frissonne au lever de la lune ;

 

Noël !... Sur la ferme là-bas,

Dont la vitre rouge étincelle,

Sur la grand-route où, seul et las,

Le voyageur double le pas,

Partout court la bonne nouvelle...

 

Oh ! ces carillons argentins

Dans les campagnes assombries,

Quels souvenirs doux et lointains,

Quels beaux soirs et quels doux matins

Ressuscitent leurs sonneries !

 

Jadis ils me versaient au cœur

Une allégresse chaude et tendre ;

J’ai beau vieillir et passer fleur,

Je retrouve joie et vigueur,

Aujourd’hui, rien qu’à les entendre...

 

Et cette musique de l’air,

Cette gaîté sonore et pleine,

Ce chœur mélodieux et clair

Qui s’en va dans la nuit d’hiver

Ensoleiller toute la plaine,

 

C’est l’œuvre de ce vieux sonneur

Qui, dans son clocher solitaire,

Fait tomber, ainsi qu’un vanneur,

Cette semence de bonheur

Sur tous les enfants de la terre.

 

 

 

André THEURIET.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net