La victime
Le monde est un tyran cruel, lâche et moqueur,
Mais au-dessus de lui ma fierté s’est haussée
Et je le brave, encor que mon âme blessée
Soit captive dans les cachots de mon vainqueur.
Pas un mot, pas un cri ne dira la rigueur
De la torture où ma souffrance est angoissée ;
Je fermerai les yeux pour cacher ma pensée ;
Mes bras étoufferont les sursauts de mon cœur.
Qu’il me prenne, s’il veut, et me jette à l’abîme,
Et qu’il vienne épier la fin de sa victime,
Je saurai me roidir dans un suprême effort ;
Et, si je ne puis taire à l’oreille méchante
Mes sanglots d’agonie et mes râles de mort,
Je les ferai si doux qu’il croira que je chante.
Louis TIERCELIN, Sur les Brumes de la Bretagne.