Dispense, ô Seigneur...
Dispense, ô Seigneur, ta consolation
À l’infortuné qui, dans la torpeur,
Du brûlant été, devant le jardin,
Se traîne, errant, sur la pierre blessante,
Et dont l’œil contemple, à travers l’enclos,
Les arbres ombreux, le grain des vallées,
Ainsi que la fraîcheur inaccessible
Des prés lumineux et pleins d’opulence.
Ce n’est pas, pour lui que les arbres forment
Cette voûte obscure et hospitalière,
Ce n’est pas pour lui qu’en léger nuage
La fontaine fuse et jaillit dans l’air.
La grotte d’azur surgit de sa brume
Mais elle séduit en vain son regard,
Et de ses jets d’eau la rosée poudreuse
Ne baignera pas son front de fraîcheur.
Dispense, ô Seigneur, ta consolation
À l’infortuné qui de l’existence
Suivant le sentier, devant le jardin
Se traîne, errant, sur la pierre brûlante.
Fédor Ivanovitch TIOUTCHEV, 1850.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.