Comment l’Âme trouve Dieu
en toutes créatures
par le moyen des sens
Ô amour, divin amour,
Pourquoi m’as-tu assiégé ?
De moi parais affolé,
Ne peux de moi reposer.
Devant les cinq portes vois
Qu’as résolu m’assiéger ;
Par l’ouïe, la vue, le goût,
Par le tact, et l’odorat ;
Si sors, suis fait prisonnier,
Ne me peux de toi céler.
Si veux sortir par la vue,
Tout ce que vois est amour,
Sous toutes formes est peint,
Et sous toutes les couleurs ;
Me représentes alors
Que je te dois héberger.
Si veux sortir par la porte,
Pour me mettre à écouter,
Le son, que me signifie ?
Te présente encore, Sire ;
Par elle ne peux sortir,
Tout ce qu’entends est aimer.
Si veux sortir par le goût,
Toute saveur te proclame,
Ô amour, divin amour,
Amour rempli de désir ;
Amour m’as pris au harpon,
Pour pouvoir en moi régner.
Si veux sortir par la porte,
Qui s’appelle l’odorat,
En toutes les créatures
Je te retrouve informé ;
Je rentre chez moi blessé,
Tu me prends à l’odorat.
Si veux sortir par la porte,
Qui s’appelle le toucher,
En toutes les créatures
C’est toi que trouve portrait ;
Amour, comment suis-je fou
De te vouloir échapper ?
Amour, je m’en vais fuyant,
Pour ne te donner mon cœur,
Je vois que tu me transformes,
Et que me fais être amour,
Tant que ne suis plus alors,
Et ne me peux retrouver.
Si je vois en homme, mal,
Ou défaut ou tentation,
Me transforme et entre en lui,
Et me fait le cœur peiné ;
Ô amour démesuré !
Et qui as choisi d’aimer ?
Saisis-moi vite, ô Christ mort,
Tire-moi de mer au bord,
Ici tu me fais languir,
En te voyant si blessé ;
Pourquoi l’as-tu donc souffert ?
Pour vouloir mieux me guérir.
Jacopone da TODI.
Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.