Comment l’homme
est aveuglé
par le monde
Homme, tu as été trompé,
Car ce monde t’a aveuglé.
Aveuglé t’a ce triste monde,
Avec délices du séjour,
Avec le vêtement orné,
Et avec toutes les louanges.
Les délices que tu as eues,
Or qu’en as-tu ? S’en sont allées ;
En vanité bien t’es perdu,
Et y as fait tant de péchés.
Et jà ne te veux repentir,
Tant que ne viennes à mourir ;
Dès que sais ne pouvoir guérir,
Dis que le prêtre soit mandé.
Le Prêtre dit : Mon pauvre fils,
Comment est l’état de ton âme ? –
Et tu réponds : Sire, que je
Suis par le mal bien accablé. –
Bien t’affliges de tes enfants,
Que les laisses après toi seuls ;
Plus d’eux que de toi tu as deuil,
Que leur fait laisses embrouillé.
Cette douleur t’afflige tant,
Quand tes enfants pleurent bien haut,
Que ton fait laisses de côté,
De rendre le bien mal acquis.
Après qu’es venu à mourir,
Tous les parents ils font venir,
Ne te laissent pas bien sortir,
Hors de la porte t’ont jeté.
Au cimetière vont criant,
Et disant : Or voici dommage !
Reviennent chez toi, attendant
Que le dîner soit préparé.
Après que se sont rassasias,
De ton fait se désintéressent ;
Des deniers que tu as gagnés,
N’as sur toi aucun emporté.
Ô malheureux, pour qui entasses ?
Pour enrichir tous tes garçons ;
Après qu’es mort, grandes bouchées
Se font de ce que as gagné.
Jacopone da TODI.
Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.