De la danse d’amour
Chacun des amants qui aiment le Seigneur,
S’en vienne à la danse, en y chantant d’amour !
S’en vienne à la danse tout enamouré,
Désirant Celui qui l’a jadis créé ;
Par amour ardent, le cœur tout enflammé,
Que soit transformé par sa grande ferveur !
Que tout embrasé par l’ardent feu d’amour,
Comme un insensé qui ne trouve repos,
Le Christ embrassant, ne l’embrasse pas peu,
Mais que dans ce jeu se détruise le cœur !
Le cœur se détruit comme au feu fait la glace,
Quand avec mon Seigneur dedans je m’embrasse ;
Criant amour, d’amour je m’anéantis ;
Avec l’amour gis, comme enivré d’amour.
Tous enivrés d’amour, que crient les amants ;
Chantez au Christ Amour de plus nouveaux chants ;
Et bénissez-le par-dessus tous les Saints,
Puisque’ ces délices, les envoie amour.
L’amour qu’est donné dans notre intelligence,
Nous l’a envoyé le Christ omnipotent,
Parce qu’il veut que tous nous l’aimions fervents,
Car est le Donnant et toi le Receveur.
C’est toi qui reçois Jésus-Christ véridique,
Qui descend en toi quand et comme il lui plaît.
Ô mon âme, comment seras-tu capable
De recevoir, osée, Celui qui te fit ?
Tu le connaîtras hors de l’intelligence,
Sans compréhension, par affectivité ;
Laissant tout travail qui ci-dessus est dit,
Seule affectivité touchera l’amour.
En touchant Amour, d’Amour seras touché ;
Vêtant amour, seras de toi dépouillé ;
Tout entier de toi seras alors privé
Et transformé en Lui qui te conduira.
Ô amour, amour, où donc m’as-tu mené ?
Ô amour, amour, hors de moi m’as tiré,
Ô amour, amour, ne sais où suis allé,
Me voici entré en fournaise d’amour.
Arde dans le feu et en hurlant languis,
En vivant me meurs et en mourant revis ;
Pourtant n’aime pas, mais d’amour ai si soif,
Et si grand faim ai de retrouver l’amour.
Chacun des amants qui aime le Seigneur
S’en vienne à la danse en y chantant d’amour !
Jacopone da TODI.
Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.