Dis, douce Marie…
Dis, douce Marie, avec quel tendre amour
Regardais ton enfant Jésus-Christ mon Dieu.
Lorsque tu l’eus mis au monde sans douleur,
La prime chose, je crois bien, que tu fis,
Ce fut de l’adorer, ô pleine de grâce.
Puis sur le foin, dans la crèche, le posas,
De quelques pauvres langes l’emmaillotas,
Tout émerveillée et joyeuse, je crois.
Oh ! quelle grand joie tu avais, et quel bien
Quand tu le tenais dans tes bras maternels !
Dis-le-moi, Marie, car peut-être il convient
Que par pitié un peu tu me satisfasses.
Tu mettais alors des baisers sur sa face,
N’est-ce pas, et tu disais : Ô mon enfant !
Tantôt mon enfant, tantôt père, et seigneur,
Tantôt Dieu, tantôt Jésus tu le nommais.
Ô quel doux amour tu sentais dans ton cœur,
Quand dans ton giron, serré, tu l’allaitais.
Que de gestes doux, pleins d’amour et suaves
Tu voyais, étant avec ton doux enfant.
Quand un peu, parfois, dans le jour, il dormait,
Voulant réveiller la fleur du paradis,
Doucement, si doux qu’il ne t’entendait pas,
Tu allais poser ta bouche sur sa joue ;
Et puis lui disais, riant comme une mère
Allons, ne dors plus, ça te ferait du mal !
Mais je n’ai rien dit : tout ceci est broutilles ;
Je n’ai eu égard qu’aux moindres de tes joies.
Mais une pensée en mon cœur semble naître,
Touchant un bonheur que seule tu connus,
Tel que je ne sais comment en l’éprouvant,
Ton cœur n’éclata point et ne s’ouvrit pas.
Parlant à sa fille, le Père éternel,
Le Seigneur parlant à son humble servante,
Avec tendre piété l’appelait sa Mère.
Rien que d’y penser, le cœur se liquéfie,
À qui a senti quelque douce étincelle
De ce tendre amour, dont toujours je m’écarte.
Va-t’en à Marie, notre chère avocate,
À genoux, ma chanson, et pour moi prie-la ;
Qu’elle ne me soit pas, de son fils, avare,
Qui ne lui refuse et ne refusa rien ;
Et dis-lui : Oh ! Retiens, à jamais retiens
Celui qui toujours loin de toi s’est enfui !
Jacopone da TODI.
Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.