De la nativité

 

 

Doux amour, le Christ si beau,

Qui en Bethléem est né,

Plus que tout autre muscat,

Me semble qu’est parfumé.

 

Parfum exhale sa vie,

Qui le monde a ébloui ;

L’âme en est toute ravie,

Le cœur tant l’a dégusté.

Pourtant suis enamouré

De la divine hautesse,

Qui, réduite en petitesse,

Est venue me rédimer.

 

L’ange entouré de splendeur

Apparut tout admirant ;

Aux pasteurs il va narrant,

Que leur est né l’Empereur.

Ceux-ci l’allèrent cherchant,

Dans la crèche le trouvèrent.

De son parfum défaillirent,

Perdant toute leur valeur.

 

Ô amants de la ferveur,

Comment ne vous consumez,

Puisque le divin amour,

Jésus-Christ, vous le voyez ?

Çà ! dans les bras le prenez

Et venez le déguster,

Pour en lui vous transformer,

Sans faire plus de rumeur !

 

Si la passion nous entraîne,

Que le Christ amour pardonne,

Car fait grands effets toujours

Dans les esprits ce qu’Il donne.

Rugissements de lions

Il fait à l’âme jeter,

Qui ne peut autrement faire,

En éprouvant sa douceur.

 

Les suprêmes hiérarchies,

Du ciel étaient descendues ;

Elles brillaient comme torches,

De feu ardent allumées,

Leurs ailes grand étendues,

En contemplant le beau fils,

De ce si candide lys

Chacun prenait la couleur.

 

Quelle lumière en prenaient !

De feu étaient tout vêtus.

De nouvel amour brûlaient.

Comme homme qui s’est égaré,

Avec Dieu voyant uni

L’homme, faisaient grand chants,

Qui se fondaient l’un dans l’autre,

Tant étaient unis d’amour !

 

Apparut nouvelle étoile

À trois grands Rois d’Orient.

Les guide à la Damoiselle,

Qui avait Dieu tout-puissant.

Le trouvèrent tout brillant,

Entre le bœuf et l’ânon.

Ni lainage ni paillasse

Y avait la douce Fleur.

 

Dans le foin, emmailloté,

Gisait ce Lys lumineux.

Par nous qu’il soit visité

Souvent, car est notre époux,

Et notre repos si doux,

Qui l’humanité a pris,

Dans notre chair descendit ;

C’est notre Guide et Pasteur.

 

Avec grande révérence,

Les Rois Mages l’adorèrent ;

Introduits en sa présence,

Tous les trois s’agenouillèrent ;

Trois offrandes lui donnèrent,

Et, lui, bénigne, les prit.

Leur cœur à languir se prit,

En voyant le Dieu Sauveur.

 

Avec des larmes au cœur,

Chacun d’eux se lamentait ;

Voyant le Divin Amour

Courtine ne pas avoir ;

Conque aucune on ne voyait,

Pour laver ses petits membres.

Douleur ils me remémorent :

Mais où donc repose Amour !

 

 

 

Jacopone da TODI.

 

Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net