Le malheur

 

 

Pitié pour nous, Très Sainte Trinité !

La Moscova se couvre de cadavres !

Par-delà ces murs, le Champ du Bourreau

De Godounov abrite le repaire.

Affamés, les loups les plus solitaires

Vont hurlant autour de la Ville Blanche ;

Sur la Moscovie des nuées descendent

Et crèvent en pluie de soufre et de feu ;

Et par les champs à pleins bords se déversent

Les crânes, les ossements des esclaves...

Par les villages, par la steppe un bruit

De pas ferrés, invisibles, résonne ;

Les Hauts de Petchersk se sont entr’ouverts,

Des germes maudits naissent, se propagent...

Et par les forêts aux gorges profondes

Les vilains s’enfuient, quittant leurs charrues...

Et dans le ciel de Cracovie se montre,

Suivie d’un sillon de flamme, une morte...

Comment se soustraire au puant charnier ?

Pitié pour nous, Trinité radieuse !

 

 

 

A. N. TOLSTOÏ.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,

choix, traduction et commentaires

de Jacques David, Stock, 1948.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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