À toi que j’aime déjà !
Cher enfant que je sens tressaillir en mon être.
Et qu’un souffle d’amour a fait éclore en moi,
Ange ! que je chéris avant de le connaître,
Si tu souffres un jour, enfant ! tais-toi, tais-toi !
Ne me reproche pas de t’avoir en ce monde
Jeté sans ton aveu pour t’y laisser souffrir ;
Si tu sens parfois sous la douleur profonde
Saigner ton triste cœur, impuissant à guérir,
Ah ! ne reproche rien à ta mère, mon ange !
Pour ton bonheur, hélas ! elle eût donné ses jours ;
Mais qui peut de la vie, informe, impur mélange,
Interrompre un instant, ou diriger le cours ?
Il faut que l’enfant naisse et que l’herbe fleurisse,
Sans qu’on sache quel but leur a marqué le sort :
C’est la loi d’ici-bas, Dieu veut qu’on l’accomplisse ;
Il t’a pris au néant pour te rendre à la mort !
1843.
Adèle TOUSSAINT,
Épaves, sourires et larmes, 1870.