Toussaint

 

À Karl Hauer.

 

 

Les petits hommes, les petites femmes, compagnons tristes,

Viennent aujourd’hui répandre des fleurs bleues et rouges

Sur leurs caveaux qui timidement s’allument.

Ils agissent devant la mort en pauvres marionnettes.

 

Ô ! comme ils semblent ici pleins de peur et d’humilité,

Quand des ombres se tiennent derrière les buissons noirs.

Dans le vent d’automne lamentent les pleurs de ceux qui ne sont pas nés,

On voit aussi des lumières se perdre en flammeroles.

 

Des soupirs d’amants s’exhalent dans des branchages

Et la mère là-bas pourrit avec l’enfant.

La ronde des vivants semble irréelle.

Et curieusement éparpillée au vent du soir.

 

Leur vie est si confuse, pleine de tourments tristes.

Aie pitié, Dieu, de l’enfer et du martyre des femmes,

Et de ces lamentations funèbres sans espoir.

Des solitaires en silence errent dans la salle des étoiles.

 

 

 

Georg TRAKL.

 

Recueilli dans Anthologie bilingue

de la poésie allemande,

Gallimard, 1993.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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