Vers l’Oasis

 

 

Sur la terre blanche de givre,

Combien d’âmes hautes ont froid

Dans leur solitude qui croît !

Elles ne demandaient qu’à vivre,

Et leur prière allait tout droit

Vers un idéal qui délivre.

 

Elles n’ont plus que le Passé,

Plein de regrets et de tristesses ;

Et la coupe des petitesses,

Dans le bagne vide et glacé,

Épanche en elles ses détresses

Comme un calice renversé.

 

Elles poursuivent dans le rêve

Une paix qui devait venir ;

Mais sans jamais pouvoir tenir

La vision trompeuse et brève,

Voient leur illusion finir.

Dans le nuage qui s’élève.

 

Elles clament vers l’inconnu,

Pour élaguer la destinée ;

Mais la science n’est pas née,

Qui dit pourquoi le fil ténu

Retient pendant une journée

La vie au corps fragile et nu.

 

L’Amour, dans ces âmes hautaines,

Espère en l’unique Beauté ;

Mais son aveuglante clarté

Vient de régions si lointaines,

Qu’elle frappe de cécité

Les aspirations humaines.

 

Leur angoisse ne se plaint pas,

Mais la douleur les rend plus fières,

Sur le chemin creusé d’ornières,

Elles vont seules, pas à pas,

Cachant les blessures altières

Dont elles se meurent tout bas.

 

Puis, quand elles sentent près d’elles

Passer le flot mystérieux

Grossi de larmes et d’adieux,

Elles vont aux ères nouvelles,

Déployant au jour radieux

Tous leurs désirs, comme des ailes.

 

 

 

Jules TREMBLAY.

 

Recueilli dans Les soirées de l’École littéraire de Montréal, 1925.

 

 

 

 

 

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