Les silencieuses

 

 

Pâles fleurs d’hôpital, lys pâles du mystère,

Qui dira vos tourments, ô blanches poitrinaires !

Vos yeux inconsolés semblent cacher au jour,

Comme un cruel secret que la Pudeur doit taire,

Ou quelque grand malheur ou quelque grand amour.

 

Et pourtant vous souffrez, Vertu, Beauté, Jeunesse ;

Et votre main se tend de toute sa faiblesse

Vers le bonheur de vivre et l’extase d’aimer ;

Et vos regards sont pleins de brûlantes tendresses,

Mortes sur votre bouche avant de s’exprimer.

 

Quelle fatalité vous pousse loin des grèves,

Sans vous laisser jamais poser un peu vos rêves,

Tragiques alcyons aux muettes douleurs !

Vos ailes fuient toujours vers d’impossibles trêves,

Et courent sans repos l’océan de vos pleurs.

 

Vos lèvres, que souvent les sanglots ont rougies,

Gardent pieusement leurs hautes nostalgies.

L’infortune écrit donc vos strophes jusqu’au bout.

Poèmes du malheur, vivantes élégies !

Et vous ne voulez pas qu’on ait pitié de vous !

 

Ce n’est pas la pitié qui vous cherche et vous aime,

Quand la peur égoïste et l’épouvante blême

Retiennent loin de vous vos amis les plus chers ;

Mais c’est l’Amour divin qui s’offre de lui-même,

Et vient pencher son cœur sur vos chevets déserts !

 

Bienheureux qui vous fait cette rare caresse

De vous aimer quand même au sein de vos détresses,

Et dont le dévouement est une piété

Qui ne pense, qui n’ose, et ne dit rien qui blesse,

En baisant sur vos fronts la sainte Charité !

 

Car c’est Dieu qui l’inspire et c’est Dieu qui l’envoie,

Ce rayon de clarté qui sur vous se déploie.

Son éclat est trop vif pour que le mal cruel

L’empêche de briller dans une brève joie,

Et vos angoisses vont sourire jusqu’au Ciel.

 

C’est là qu’est le repos des tristesses dernières.

Et puisque la souffrance est la seule prière

Qui donne aux cœurs l’espoir en d’infinis bonheurs,

Montez vers le Foyer d’éternelle lumière,

Car vous l’avez gagné de toutes vos douleurs !

 

 

 

Jules TREMBLAY.

 

Quinze ans de poésie française à travers le monde,

Anthologie internationale,

textes rassemblés par J. L. L. d’Arthey,

France Universelle, 1927.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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