Le tombeau d’une mère
(Imité d’une chanson anglaise ayant pour titre My Mother’s Grave.)
Il est un lieu béni que je voudrais revoir,
Dont l’aspect remplirait mon cœur de joie amère,
Que je saurai trouver, guidé par le devoir :
C’est le modeste enclos où repose ma mère.
Je braverais la mort pour aller à genoux
Arroser de mes pleurs cette tombe isolée ;
Ce tendre épanchement, si pénible et si doux,
Ouvrirait à l’espoir mon âme désolée.
Lorsque je la quittai, m’attirant dans ses bras,
Elle baisa mon front encor vierge de rides ;
Elle pleura, songeant aux mortels embarras
Qui parsèment la vie et ses sentiers arides.
L’inexorable mort répand partout le deuil ;
Sans jamais se lasser, sa faulx tombe et retombe.
L’homme, à peine au berceau, redescend au cercueil ;
« Chaque pas dans la vie est un pas vers la tombe. »
Vers ce lieu solitaire, asile du trépas,
Borne et terme fatal d’une vie éphémère,
Ô Ciel, poussez ma barque et dirigez les pas
D’un fils qui veut revoir le tombeau de sa mère.
Montréal, août 1888.
Rémi TREMBLAY, Coups d’aile et coups de bec,
Montréal, Imprimerie Gebhardt-Berthiaume, 1888.