La rédemptrice
À NIETTE.
J’ai ce rêve, souvent, d’une femme qui m’aime,
pareille à vous, ayant vos yeux, vos gestes même,
votre grâce où sourit la puérilité
adorable, et surtout aussi votre beauté ;
j’ai ce rêve, souvent, d’une femme très pure
et très tendre, étendant sur moi ses blanches mains,
qui parfume mon songe et fleurit mes chemins,
et me rachète, et me défend de la souillure ;
j’ai ce rêve, souvent, d’une femme dont l’âme
est l’étoile éclairant mon firmament, la voix
d’amour et de pardon, le phare dont la flamme
garde du désespoir les âmes aux abois ;
j’ai ce rêve, souvent, d’une femme, compagne
de ma mélancolie et qui l’adoucirait,
fleur radieuse éclose en la noire montagne
de mon deuil éternel qu’elle terminerait ;
j’ai ce rêve, souvent, d’une femme propice
à mes plaintes ainsi qu’à mon abattement,
femme enfin vraiment femme, et dont, avec délice,
je baiserais les mains religieusement ;
et j’ai ce rêve aussi que cette femme tendre
et belle, et pure, et bonne, est vous, vous, toujours vous,
vous que depuis longtemps mon âme sait attendre,
mon âme désormais ployée à vos genoux.
Vous que mon espérance exaspérée appelle
comme appelle, ayant soif, avec des mots émus,
la femme de Sichem, ainsi que vous rebelle,
près du puits de Jacob, notre seigneur Jésus.
Vous, la fleur, Vous, le Miel, Vous, la chanson joyeuse,
aube du Jour Divin, prophétesse d’espoir,
rédemptrice adorable et que mon âme heureuse
instaure glorieuse en l’avenir moins noir.
J’ai ce rêve de vous, de vous et d’aucune autre,
et je dresse vers vous, pleurant, mes bras d’appel,
afin que sur mes yeux daignant fixer les vôtres,
d’un seul regard demain vous m’ouvriez le ciel.
Léon TRICOT.
Paru dans La Flandre littéraire, artistique et mondaine en 1897.