Edmond
« Sous les frimas du temps j’ai vu blanchir ma tête ;
« Enfants, mon heure approche, il faut nous dire adieu :
« À la commune loi je vais payer ma dette,
« Et remettre mon âme entre les mains de Dieu. »
Ainsi parle un vieillard, et bientôt il expire...
Mais, près du fruit qui tombe apparaît une fleur ;
Sous le toit de l’aïeul un petit-fils respire
Et la joie a brillé sur la sombre douleur.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais Edmond est souffrant... au tond d’un oratoire
Sa mère s’inclinant, tremblante pour son fils,
Les deux mains sur son cœur comme une croix d’ivoire,
Implore ton secours, Reine du paradis.
« Ô Vierge débonnaire,
Ouvre un œil tutélaire
Sur un être souffrant.
Le trépas me jalouse :
À la mère, à l’épouse
Conserve son enfant.
De ce frère des anges
Empêche que les langes
Deviennent un linceul.
Mon enfant, c’est ma vie
Qui me serait ravie,
Si je portais son deuil.
Ô toi, la créature
Que salua très-pure
L’archange Gabriel,
N’es-tu donc pas, Marie,
L’aile où se réfugie
Le languissant mortel ?
Visite ma demeure :
Que mon Edmond demeure
Épargné par la mort.
Vers l’éternelle rive
Doucement qu’il arrive
Après moi, dans le port.
J.-M. TRUCHET.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.