À la très Sainte Vierge
Ô ma mère, je viens encore
Me réfugier près de vous,
Je viens revoir vos yeux si doux,
Vos traits qui reflètent l’aurore.
Je vous parle et mes maux en sont presque oubliés.
O Mère ! Oh ! laissez-moi vous peindre mon extase,
Et du fond de mon cœur, comme du fond d’un vase,
Verser mon amour à vos pieds !
Je suis la plante moissonnée
Qui s’effeuillerait dans la mort,
Si vos deux bras n’étaient un port
Où reverdit l’âme fanée.
Mais sitôt que je vois le rayon de vos yeux,
Le sourire qui part de vos lèvres divines,
Il me semble qu’un ange arrache les épines
De la route qui mène aux cieux.
Ô ma Mère, ô ma tendre Mère !
Éclaircissez enfin ma nuit ;
Mon pauvre cœur s’use et languit
Dans sa tristesse solitaire.
Répandez vos parfums comme une vigne en fleurs,
Autour du chevet sombre où j’ai posé ma tête,
Où j’attends en pleurant la fin de la tempête
Et des crépuscules meilleurs.
Veillez sur moi, tendre colombe,
Protectrice de l’arbrisseau,
Votre aile a cherché mon berceau
Et s’arrêtera sur ma tombe.
Veillez sur moi qu’entoure un précoce linceul,
Sur moi que le présent, l’avenir décourage,
Et qui n’ai plus d’espoir qu’au pied de votre image,
Quand je souffre et que je suis seul.
Je suis seul... Oh non, Vierge sainte,
Pardonne, il me reste, avec toi,
Il me reste une mère à moi,
Et son âme écoute ma plainte.
Cette mère chérie, elle est là qui m’entend,
Qui verse sur mon front ses plus douces prières,
Et je me dis courage ! Oh ! J’ai toujours deux mères,
L’une est ici, l’autre m’attend.
Édouard TURQUETY.
Paru dans La France littéraire, artistique,
scientifique en décembre 1856.