La foi
Que d’hommes on entend dans ce monde éphémère
Se plaindre et s’écrier : « Oh ! si j’avais la foi,
La foi que m’enseigna ma mère !
Mais un pareil bonheur n’était pas fait pour moi ;
Heureux qui la conserve ! heureux qui la retrouve ! »
Et ce cri de leur cœur s’échappe sans effort ;
On dirait vraiment qu’il éprouve
D’amers regrets, de saints remords.
« Oh ! si j’avais la foi ! » parole de tristesse,
Mais parole d’espoir, car elle exprime un vœu,
Le vœu de l’homme en sa faiblesse,
Quand il sent le besoin de s’appuyer sur Dieu.
Mais pour reconquérir une faveur si grande,
Il faut plus qu’un désir, plus qu’un cri de douleur :
Il faut que la grâce descende,
Et la grâce vient du Seigneur.
Il faut qu’on la demande avec toute son âme
À ce Dieu qui raccorde ; il faut la réclamer
Avec tout ce qu’on a de flamme
Au plus profond du cœur pour croire et pour aimer.
Et qu’on ne craigne pas ; – notre Père suprême
Ne repousse jamais un si fervent appel :
Un ange, il nous l’a dit lui-même,
L’apporterait plutôt du ciel.
« Oh ! si vous vouliez bien ! » voilà ce qu’on peut dire
À ceux qu’on voit ainsi languir et se troubler,
À ceux dont l’âme en son délire
Éprouve un vide affreux que Dieu seul peut combler,
Oh ! si vous vouliez bien ! mais non, cette ardeur vive,
Ce noble feu leur manque ainsi qu’un saint espoir ;
Leur volonté tiède ou captive
N’a pas de force et de pouvoir.
La matière l’enchaîne. – Ô sectateurs du monde !
C’est elle qui vous tient par un lien puissant.
Or il faut pour que Dieu réponde,
Il faut avoir brisé son joug avilissant,
Osez ; – n’imitez pas ces âmes effrénées
Qui mettent leur honneur à ramper sur le sol,
Et vos ailes déprisonnées
D’elles-mêmes prendront leur vol.
Osez vouloir, osez, au Christ que tout implore,
Exprimer un désir ardent continuel ;
Son livre nous le dit encore,
Ce sont les violents qui ravissent le ciel,
Demandez avec force un changement durable,
Et vous vous sentirez une nouvelle ardeur,
Et la foi, rosée adorable,
Redescendra dans votre cœur.
Et vous ne craindrez plus ce que la vie enferme
De tristement amer quand le doute séduit...
Et vos regrets auront leur terme,
La lumière de Dieu remplacera la nuit.
Vous aurez retrouvé la foi de votre mère,
La foi, trésor du cœur, la foi, don précieux,
Qu’elle vous apprit sur la terre
Pour vous revoir un jour aux deux.
Édouard TURQUETY,
Un acte de foi,
poésies posthumes,
1869.