Chanson des jeunes hommes
La jeunesse, – temps sacré !
Pénétrons au sanctuaire,
Où, dans le mystère ombré.
Le pas sonne, solitaire.
Un esprit de gravité
Est là qui remplit l’enceinte ;
Chaque âme, avec piété,
Y sent que sa force est sainte.
Puis, sortons dans le pré vert,
Qui déroule sa richesse,
Alors que le ciel ouvert
Y fait pleuvoir l’allégresse.
Toute une fécondité
De ces bourgeons doit éclore,
Grâce au printemps enchanté
Qui, pour le cœur, est l’aurore.
Dans la coupe de cristal,
C’est le sang de la nature
Qui rougit... Donc, au signal,
Buvons cette liqueur pure,
Pour que, – mystère divin, –
Cette pourpre qui caresse
Unisse le feu du vin
À celui de la jeunesse.
La jeune fille grandit,
Tant le jeu la développe :
En elle un monde engourdi
Va briser son enveloppe,
Le soleil l’épanouit.
Respectons la jouvencelle
Qui doit être notre appui :
Car nous mûrissons pour elle.
Le temple rend sérieux,
Et le vin donne la force ;
Puis, au soleil des beaux yeux,
Le printemps rompt son écorce.
Jeunesse, coupe, printemps
Et vierge aux modèles flammes,
N’êtes-vous pas, dès vingt ans,
La religion des âmes ?
Ludwig UHLAND.
Traduit de l’allemande par Émile Asse.
Paru L’Année des poètes en 1892.