Le printemps d’aujourd’hui
(terza-rima)
Je l’ai vu, le Printemps, le Printemps d’aujourd’hui
Entre l’Ombre et le Vent, assis parmi les plaines,
Les plaines d’Abraham où le Passé reluit.
L’Infini sans reflux circulait dans ses veines,
Dans ses chants éoliens, dans ses airs de soleil,
Il pleurait un regret des clartés anciennes.
Comme un vaste halo, son or tiède et vermeil
Rayonnait dans l’espace, il faisait, le bohême,
À nos yeux étonnés, des signaux de réveil.
Tel jadis, il donnait son cœur vierge au Poème,
À l’Amour, à l’Espoir, il versait son nectar,
À la Nature en pleurs, un magique baptême.
Il versait la jeunesse aux rides du vieillard,
Des printemps d’autrefois, la grisante mémoire,
À la plume, au pinceau, les promesses de l’Art.
Revêtu d’épopée, il reflétait l’Histoire,
L’Histoire du Pays qui sommeille en ces lieux ;
Son envol souriait à celui de la Gloire
Et sa chauve splendeur nous reparlait des cieux !
Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.