Parmi les champs
À nos hôtes
Pèlerine de l’Art, bergère des nuages,
Ma muse recueillait de champêtres images...
La forêt, au lointain, effrangeait le ciel pur,
Où nageaient des flots, dans une mer d’azur ;
Elle ourlait l’horizon de son ombre infinie
Et versait le noir flot de sa paix recueillie,
Par les champs et l’espace. Auprès, un travailleur
Aiguisait crânement son arme de faucheur,
En hélant son voisin, étonnait le Silence,
Par son rude parler à la grave cadence ;
Il joignait le Terrestre à tout cet irréel
Qu’émanait le Terroir, vestibule du ciel.
Je m’en souviens... son torse estampait les nuages,
Et sa voix se mêlait aux champêtres ramages.
Puis l’hymne grave et lent de la vaste forêt
Emmêlait son point-d’orgue aux danses des reflets
Que faisait chaque clos. Flamboyante marée,
Dévidant une écume argentée et dorée,
Charroyant du soleil dans ses remous de foin,
Javelles de rayons, prisme épars et sans fin,
Auréole mouvante, éoliennes troupes,
Caracolant, gonflant leurs lumineuses croupes,
Tous ces prés me versaient l’urne de l’Idéal,
Et je buvais navrée à son flot pastoral.
Or ce poème blond, cet odorant mystère
De la glèbe, chantant son ode de lumière,
S’insinuaient partout, jusques en les maisons,
Où nos hôtes semblaient nous servir des rayons,
En nous livrant leurs mets à l’arôme champêtre,
Flairant bon l’Abondance et l’intime bien-être ;
Abeille, je cueillais tout le miel de ce lieu,
En songeant que demain, il faudrait dire adieu
À cet étincelant, ce paisible séjour
Pour retourner en ville où sanglote le Jour...
Ah ! qui me donnera cette verte marée,
Ces larges horizons, cette paix azurée ?
Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.