Pastorale

 

 

Oh ! la lumière floue

Qui ruisselle et se joue

Dans ce magique coin

Où chantonne du foin !

 

Oh ! ces ors que moissonnent

Les verdeurs qui foisonnent !

Il coule de l’été

Sur toute la cité !

 

On dirait que de l’aube

Dans l’ombre se dérobe,

On dirait que le jour

Rêve et rit tour à tour...

 

Et sa flamme gracile

À mon songe docile,

À ma vieille douleur

Propage sa blondeur.

 

À ma ride précoce,

Elle verse la noce

Des charmes si touchants

De l’été dans les champs !

 

Car mon cœur nostalgique

Du Rêve bucolique

Voit partout l’infini

Du prés vert et du nid.

 

Je voudrais tant je l’aime

Nager dans leur poème,

Y verser le divin

Qui me hante sans fin,

 

Le feutrer de la grâce

Que filtre dans l’espace

Tout ce qui chante et luit

Sur la Terre aujourd’hui !

 

Je voudrais la campagne,

Je voudrais la montagne,

Je voudrais, de mon sang,

Empourprer son versant,

 

Me vautrer dans la nue

Qui la lèche ingénue

Ou les feux du soleil,

Y prenant son sommeil,

 

Promener par la grève

Mon Désir et mon Rêve,

Diluer dans le flot

Leur intime sanglot,

 

Y laver leurs sept ailes,

Les mettre parallèles

À la Réalité,

À mon humanité,

 

Par la brise qui fouette,

La pluie et la tempête,

Courir, cheveux au vent,

Comme au temps du couvent !

 

Oh ! le vent qui se pâme

Et nous veloute l’âme,

Le vent aux mille bras

Qui fait voler nos pas !

 

En ressentir sans cesse

La fluide caresse,

Aérer mon esprit

À son souffle marri,

 

Ou devenir bergère,

Tout en demeurant mère !

Pèlerins à jamais

Des clos et des sommets,

 

Avec ma chère fille,

Mon époux, ma famille,

Faire un vaste foyer

Du champ, du bois altier !

 

Oh ! oui, la pastourelle,

Sœur de l’aube et de l’aile,

Menant de blancs troupeaux

Parmi de verts coteaux !

 

Et dans mon aventure,

Absorber la Nature,

Éponger tout l’abstrait

De tout calme retrait,

 

Éteindre cette flamme

Qui me dévore l’âme,

Boire au flot de l’Oubli

Dans quelque bois joli,

 

Y trouver une voie

Où l’Absolu flamboie,

L’on palpe l’Inconnu,

Le Bonheur, l’Ingénu,

 

Où la Réminiscence

Nous dit la provenance

Du philtre que sa main

Verse au passé sans fin.

 

Où des échos répondent

Aux cents voix qui m’inondent,

Où distille le ciel

De l’Immatériel !

 

Ah ! j’ai soif d’aventure,

D’un terrestre au-delà !

Mon cœur de créature

A goût de tout cela.

 

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Fi !... point je n’avoisine

Nul guéret, ni colline

Et ne vois même plus

Le magique reflux

 

De la lumière floue

Qui ruisselle et se joue

Dans un servile coin

Où chantonne du foin !

 

 

 

Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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