Rêve de Noël

 

 

Dans la nuit de Noël j’eus un rêve.

                                                          C’était

Une forêt muette auprès du flot immense ;

Sous la lune, la mer monotone chantait,

Et le bois frémissant l’écoutait en silence.

Et la mer murmurait : « Les temps sont révolus ;

Depuis que dans le ciel une vaste éclaircie

Fit briller aux regards l’Étoile du Messie,

Sur les flots, dans les bois, les poètes n’ont plus

Bercé dans nos rumeurs la douce poésie,

Car le monde est trop vieux et Virgile est bien mort,

Car Amphitrite auprès de Diane s’endort,

Car nos Dieux oubliés ont perdu leur parure,

Car un culte nouveau détrône la Nature.

Les arbres et les flots en vain ont reverdi.

Hélas ! nous n’avons plus de rêveur qui les voie ;

Le Sauveur des vivants a brisé notre joie ;

Tout s’endeuille et se meurt ; que Jésus soit maudit !

Mes vagues dans le soir ont eu plus d’amertume,

Plus de gémissements attristent ma chanson... »

 

Et quand elle se tut, je vis à l’horizon

Le Sauveur humble et doux qui pleurait dans la brume.

 

 

 

Julien VAILLANT.

 

Paru dans La Jeune Picardie en 1900.

 

 

 

 

 

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