Parmi les vents

 

 

Novembre allait sonner : au large de la plaine,

Les aquilons semblaient réunir leur haleine ;

Assise dans leur sein, assise dans le soir

Que leur souffle faisait et plus vaste et plus noir,

Haletante, baisant leur grande aile bohême,

                  Je leur fis cet aveu suprême :

 

« Ô vents d’automne qui gonflez vos crescendos

Et remplissez l’éther de vos sombres échos,

Orages de clameurs, ô bouches du Silence,

Ô verbe du Néant qui brame sa vengeance

Sur l’Absolu, la Vie et la terre et les mers,

Ô voix de l’Infini, soupir de l’univers,

Pèlerins effarés du cœur des solitudes,

Messagers du nuage, hôtes des altitudes,

Hymne où l’on croit ouïr l’appel des naufragés

Que votre furie a, dans les ondes, plongés,

Symbole qui bruit, ô mouvante géhenne,

Ô vents qu’on croit le Pleur de la Douleur humaine,

Du Rêve des mortels, ou l’Ombre en mouvement,

Des blêmes trépassés, l’immense enlacement,

Funèbre rapsodie, ô farouche poème,

J’aime plus que le chant du zéphir et plus même

Que le charme divin de l’aube et de l’été,

                  Votre âpre goût d’éternité ! »

 

 

Automne 1925

 

 

 

Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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