Je n’ai que ces vers...
Je rêve d’un poème aux cent voiles de flamme,
Où l’Inspiration, noble esquif de l’azur,
Voguerait en longeant le Rivage futur,
Où ma lyre rendrait le son même de l’âme,
Où la mer en furie, où le vent, la forêt,
Traduiraient en deux vers leurs échos insondables,
Où le chœur des oiseaux aux voix inimitables,
En des trilles humains, chanterait un couplet !
Je rêve d’une stance où, lyrique hypostase,
Le germe du Poème, égaré dans les airs –
Tel un fil de la Vierge – ouaterait mes vers
Ou les pavoiserait d’une mystique gaze,
Où le mot serait flamme, où les antennes d’or
Du Rêve donneraient sur leurs magiques ondes,
Les accents de sa voix qui fascine les mondes,
Où son hymne ambiant se muerait en accords !
Je voudrais, ô mortels, éponger le mystère
Qui hante votre esprit, qui tourmente le mien,
En des rimes-rayons, en quelque mot divin,
Je voudrais en sertir l’invisible lumière !
Je voudrais ce poème où les cent voix du cœur,
Celles de l’Amertume, en leurs clameurs sublimes,
Feraient de chaque strophe autant de cieux intimes,
Le rythme universel de l’humaine Douleur !
Je voudrais cette strophe et n’ai, las ! pour votre âme,
Que ces vers où le Mot ne flambe nulle part...
Nul mortel n’est berger en le troupeau de l’Art,
Mais il est des refrains où le Rêve se pâme !...
Or le mien, pour l’azur, n’est qu’un frêle départ,
Impuissant, il n’a pu qu’en poudroyer la flamme !
Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.