Visions d’enfance
Ô visions de notre enfance
Qui nous emplissez de navrance
Et versez sur nos cheveux blancs
L’aurore de nos jeunes ans !
Ô visions de notre enfance !
Ô ces gracieux tourbillons
Où, vêtus d’ombre et de rayons,
Nous dansions sur l’herbe verte
Et "grimpions" d’une aile alerte !
Ô ces gracieux tourbillons !
Il est passé, le temps des roses
Où tout n’était qu’apothéoses,
Il est passé, les noirs autans
En ont sabré tous les instants !
Il est passé le temps des roses !
Ils sont passés, les blonds avrils
Où prenant l’onde et les périls
Pour nos compagnons d’aventure,
Nous conquérions la Nature !
Ils sont passés, les blonds avrils !
Ils sont passés, et vient l’automne,
Novembre, en nous, déjà frissonne
Et gisent mornes, désolés,
Nos rêves roses en allés !
Ils sont passés, et vient l’automne !
L’été s’enfuit, puis vient l’hiver
Au rythme blanc, au rythme amer
L’hiver qui glace toute vie
Et nous étreint avec furie !
L’été s’enfuit, puis vient l’hiver !
Il n’est en notre vie humaine
Qu’une saison à blonde haleine,
Mais il n’est aussi qu’un hiver
Au rythme blanc, au rythme amer
Qui glace notre vie humaine !
Il erre une aube en sa blancheur
Comme un printemps en sa clameur !
C’est l’aube immense et radieuse
De l’Éternité bienheureuse
Qui reflète dans sa blancheur !
Emma VAILLANCOURT, De l’aube au couchant, 1950.