Un an après
À l’horloge lointaine entends-tu sonner l’heure
Où, tremblante de joie et d’effroi tour à tour,
J’entrais, blanche épousée, en ta chère demeure ?
Et voici qu’une année a passé sur ce jour !
Était-ce des saisons, des mois ou des semaines,
Ce temps, où tout pour moi révélait ta bonté,
Où, conduite par toi, je cueillais à mains pleines,
Sous des cieux inconnus, des fleurs de volupté ?
Pourtant, si je comptais nos minutes d’ivresse
Par les baisers donnés et les baisers rendus,
Je pourrais comparer l’âge de ta tendresse
À l’âge des soleils dans l’éther suspendus !
Mais pour l’amour profond, pour l’amour sans limite,
Pour notre ardent amour des siècles seraient peu.
Au terme du bonheur il toucherait trop vite :
Il se fait éternel en s’appuyant sur Dieu.
À l’horloge lointaine entends-tu sonner l’heure
Où, tremblante de joie et d’effroi tour à tour,
J’entrais, blanche épousée, en ta chère demeure ?
Qu’importe qu’une année ait passé sur ce jour ?
N’avons-nous pas, devant nos prunelles charmées,
Un avenir sans borne assuré par la Foi ?
En consolants espoirs nos terreurs transformées
T’enseignent qu’à jamais je suis unie à toi.
La tombe peut, demain, reprendre nos corps frêles,
Nos yeux peuvent, ce soir, sans retour se fermer,
Mais le meilleur de nous, nos âmes immortelles,
Nos âmes survivront à la chair pour s’aimer.
Pour notre amour profond, pour l’amour sans limite,
Nos destins semblent courts, une vie est trop peu,
Le bonheur est fragile et la mort vient trop vite ;
Pour le faire éternel, appuyons-le sur Dieu.
Marie de VALANDRÉ.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.