Virgo
Tota pulchra es !
Ève a péché !
Pour la première fois, sous l’afflux de la honte,
Voyant sa nudité, elle sent que lui monte
La rougeur de sa faute, et tient son front caché.
Sa coupable faiblesse en la rendant mortelle
Du même coup la frappe en sa postérité :
Et voici qu’elle entraîne en son indignité
Le genre humain entier qui devait naître d’elle.
Mais Dieu dans ses conseils sages et souverains,
Au moment où son bras la châtie et l’accable,
Conçoit au même instant le rachat du coupable,
Voulant par le pardon limiter les chagrins.
« Puisque la femme, ouvrant à la malice infâme
Son oreille et son cœur, a bravé ma bonté,
Par un moyen semblable il faut la racheter
Et Lucifer sera vaincu par une femme.
» Et je m’incarnerai pour la Rédemption
Dans le sein d’une vierge exempte de souillure :
Il faut que plus que toute elle demeure pure,
Depuis le premier jour de sa conception.
» Par elle le serpent connaîtra la défaite :
Forte comme une armée, au seuil de l’univers
Elle se dressera dominant le pervers,
Et d’un talon vainqueur écrasera sa tête. »
Il dit, et c’est pourquoi parmi tous les humains
Ô Vierge, vous voici la seule créature
Sans faute originelle, idéalement pure,
Intacte, comme Dieu vous créa de ses mains.
Et quand l’ange du ciel ceint de son auréole
Vous apparut, porteur du message divin,
L’annonce qu’il vous fit ne fut point dite en vain :
« Qu’il me soit fait, Seigneur, selon votre parole. »
Soumise et consentante au désir de l’Époux,
Vous avez accepté votre part du mystère,
Ce miracle nouveau, qu’une vierge fût mère,
Et le Verbe fait chair habita parmi nous.
Et plus tard, vous avez voulu, dans la vallée
Où le Gave ruisselle, apparaître aux enfants
Pour nous faire connaître, en des mots triomphants
Qu’ils ne comprenaient pas : « Je suis l’Immaculée. »
Pierre VALDELIÈVRE.
Recueilli dans Rosa mystica :
Les poètes de la Vierge,
du XVe au XXe siècle, s. d.