L’amour est au-dessus des fièvres...
L’Amour est au-dessus des fièvres et des cris ;
Ceux qui, la tête folle et les cheveux fleuris,
Au murmure des luths et des violes vaines,
Dans les coupes d’agate effeuillent des verveines,
Ne le verront jamais s’asseoir à leurs côtés,
La rose aux doigts, les yeux profonds et dilatés,
La bouche humide, ouverte avec mansuétude,
Simple et grave, il s’égare au fond des solitudes ;
La colline l’enchante et la forêt lui plaît ;
Son vêtement qui flotte est plus blanc que le lait ;
Sou haleine a le goût du lys et de la myrrhe ;
Dans son regard le ciel en extase se mire ;
Sa chevelure exhale un arome ingénu
Où toute l’aube a mis sa fraîcheur ; son pied nu
A la molle tiédeur d’une aile de colombe ;
Parfois naissent des fleurs où s’arrête son ombre ;
Ma maison le connaît, car il y vient souvent,
Et c’est Lui qui m’apprit les mots clairs et fervents,
Les mots démesurés à la folle envergure
Qui font frissonner l’homme et qui le transfigurent.
Mon front contre son cœur et ma main dans sa main,
Je me suis enivré du bonheur surhumain
D’entendre Dieu descendre en mon âme élargie !
Ô vivants, ce n’est pas aux lueurs de l’orgie
Ni sur les lits fiévreux que vous le trouverez !
Pourquoi courir à ces plaisirs désespérés
Et vider vainement les coupes délétères ?
Quand la fontaine est là, tout près, qui désaltère,
La joie à larges flots sans fin coule de Lui ;
Son cœur est si brûlant que sa robe en reluit :
Toujours il se recueille et garde en sa prunelle
La contemplation de la Face éternelle.
Robert VALLERY-RADOT, Les Grains de Myrrhe.