Je ne suis plus captif
Je ne suis plus captif des regards ni des voix !
Si je m’arrête encore aux formes que je vois,
Si, recueilli, je me complais encore en elles,
C’est que j’y reconnais les lignes éternelles.
Dans mes yeux le désir d’aimer s’embrase et luit,
Mais, si mon cœur se donne, il ne prend rien pour lui ;
Sa joie est de verser sa lumière et sa flamme,
D’être partout où la souffrance le réclame ;
Plus la tâche est aride et plus le faix est lourd,
Plus il brûle d’aller y porter son amour ;
Il se fait tout à tous, il a pour seule envie
Que la terre l’accueille et vive de sa vie ;
Il est en moi comme un royaume tout-puissant
Et calme où Dieu réside et fait chanter mon sang ;
Il émane de lui une invincible force
Qui me grandit et qui me fait cambrer le torse ;
Je sens qu’il est mon souffle et qu’il est ma beauté,
Et je vais, le pressant de mes mains, exalté
Comme une lyre rayonnante où Dieu seul vibre ;
Je regarde le ciel en face : je suis libre !
Robert VALLERY-RADOT,
L’Eau du Puits : Les Soifs.