Angoisse

 

 

                                                         À ma jeune amie A. M.

 

 

Non, il ne t’aime pas, car il serait venu,

Sachant bien que ton cœur se torture à l’attendre,

Lacéré par le doute et ce mal inconnu

De ceux qui n’aiment pas et ne peuvent comprendre.

 

Pauvre enfant, je te plains ! Pourquoi donc l’aimer tant,

Ce papillon doré, cet oiseau de chimère ?...

Cet étrange rêveur que tu voudrais aimant,

Lorsqu’il est près de toi n’a qu’un rêve éphémère.

 

Son amour est ailleurs, il console ses jours,

Il en rêve la nuit et comment ne pas croire

Que son destin est là près d’elle pour toujours.

Elle aura l’ambroisie et toi la lie à boire.

 

Prends ton cœur à deux mains, et dans ce laminoir

Étouffe tes désirs, ô pauvre âme qui pleure !...

À la vie en rigueurs, échappe au désespoir

Si tu veux mériter l’angoisse de cette heure.

 

En Dieu si bon ! espère en sa grande bonté,

En sa miséricorde, en sa vive tendresse.

Il a mis dans ton âme un vol d’éternité,

Il ne peut rester sourd à ton cri de détresse.

 

Dans le trésor des cieux, Il peut prendre à son choix

Un bonheur fait pour toi de céleste origine.

Enfant, crois, prie, espère, il viendra de sa Croix

Un rayon souverain de puissance divine !

 

 

 

ATALA (Léonise Valois).

 

Recueilli dans : Atala, Fleurs tombées, Beauchemin, 1934.

 

 

 

 

 

 

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