Ennui
À ma jeune amie A. M.
L’ombre s’étend toujours enveloppant ta vie
Et plonge dans la nuit d’un désert effrayant.
Ah ! crains le feu, le froid, le beau temps et la pluie,
Et protège ton cœur contre un air suffocant.
Qu’as-tu donc fait au ciel pour que son courroux tombe
Sur ton front alangui, sur ton cœur éperdu ?
Tu voulais vivre, aimer... Voilà que tu succombes
Sous le poids de l’ennui sur ton sort répandu.
L’isolement t’accable et le vide te tue.
Tu t’arraches parfois aux griffes du destin,
Sans quoi tu deviendrais une froide statue,
Tu voles hors de toi quand le cafard t’atteint.
Ta vie est désormais sans but, sans espérance,
Et tu n’attends plus rien de ce monde trompeur.
La terre n’a pour toi qu’un soleil de navrance
Fait pour railler le deuil du rêve de ton cœur.
Seigneur ! Vous qui pouvez répondre à la prière,
Vous qui savez le cri de toutes les douleurs,
Donnez aux altérés l’onde qui désaltère,
Et pour la soif d’aimer, donnez des cœurs aux cœurs !
ATALA (Léonise Valois).
Recueilli dans : Atala, Fleurs tombées, Beauchemin, 1934.