Le pardon

 

 

                                                                 Poème de Noël.

 

 

Tout le foyer soupire et l’âme en est blessée,

Un incident tragique est venu l’assombrir,

Et dans l’air ambiant flotte encor la pensée

Qui remonte du bruit lorsqu’il vient de mourir.

 

Les meubles sont épars, cela sent la querelle ;

Seul, un être animé le visage couvert,

Étouffant ses sanglots dans sa douleur rebelle,

Se tord de désespoir dans le salon désert.

 

Le Maître n’est plus là ! Mais sa voix tonne encore !

Colère, il avait dit à son unique enfant :

Va-t’en, fils de malheur ! fils qui nous déshonores,

Plus de place au foyer pour toi, sujet méchant !

 

Va-t’en ! Je te maudis ! va traîner ta misère,

Je suis las d’endurer ton manque de raison,

Je t’eus chassé plus tôt sans ta trop faible mère

Qui me cachait toujours son moineau de prison !

 

Le fils était parti sans verser une larme,

Muet, le front courbé, avec la rage au cœur ;

Impuissante à trouver le verbe qui désarme,

La Mère avait senti crouler tout son bonheur.

 

Maintenant, elle implore : « Ô Dieu, vois ma souffrance,

C’est la chair de ma chair, de mon cœur c’est le sang !

Secourez-le, Seigneur ! et de sa déchéance

Ayez pitié, Dieu bon ! protégez mon enfant !

 

 

. .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .   . .

 

 

Tout pétille au logis, l’âtre, l’esprit, la joie,

 

On cause, on rit, on chante, Hosanna ! c’est Noël !

La couronne de gui sur les rideaux de soie

Présage une allégresse au foyer paternel.

 

La Messe de Minuit ! quel bonheur de l’entendre

Tout près de ceux qu’on aime !... Hélas ! combien d’absents !

Mais lorsqu’un ferme espoir en un cœur fait descendre

Ses merveilleux rayons, il calme ses tourments.

 

Mère éprouvée, espère ! À ta douleur profonde

Le Dieu Consolateur aura bientôt mis fin,

Car c’est Lui qui t’a fait un cœur grand comme un monde

Pour aimer en souffrant d’un amour tout divin.

 

Le réveillon est prêt, il embellit la table.

On a mis trois couverts dont l’un semble de trop.

La Maman l’a voulu, car « Nouvelle Agréable »,

Un convive de plus prendra place tantôt.

 

Cinq ans ! comme c’est long sans le voir ! se dit-elle,

Comme il a dû souffrir ! et je n’étais pas là...

Mais elle a tressailli dans sa chair maternelle,

Leur enfant sous leur toit ! elle a senti cela !

 

Avec lui, vers le père, à genoux, elle tombe,

Suppliante : « Oh pardonne ! Ah vois, il revient bon !

Et dans l’homme de bronze, il éclate une bombe

D’où jaillit à grands traits la flamme du Pardon ! »

 

 

                                                                     24 décembre 1912.

 

 

ATALA (Léonise Valois).

 

Recueilli dans : Atala, Fleurs tombées, Beauchemin, 1934.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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