La souffrance
À ma jeune amie A. M.
Tu la voyais venir et tu croyais la vaincre,
Mais la vampire a pris tout le sang de ton cœur.
Et tu restes sans vie et n’osant que te plaindre,
Sans trop penser qu’ainsi tu trompes ta douleur.
Que de sourds cris d’angoisse étouffés dans ton âme !
Que de sanglots obscurs qui n’ont pas vu le jour !
Et tu restes debout sans courage et sans flamme,
Sur la cendre fumante où se tord ton amour.
Tu voudrais bien mourir de la même agonie,
T’éteindre avec ton rêve, et d’un pareil essor,
Remonter avec lui dans la plaine infinie
Où les beaux oiseaux bleus n’ont que des songes d’or.
La terre te retient et, geôlière infâme,
Cloue ta vie au malheur ; dans tout ton cœur, quel mal !
Quel ange donnera des ailes à ton âme
Pour te porter à Dieu, le divin Idéal !
ATALA (Léonise Valois).
Recueilli dans : Atala, Fleurs tombées, Beauchemin, 1934.