Naissance
Il gît ici, mon Dieu, impur et innocent,
ce nouveau-né, rouge de sang, rouge de peau ;
il pleure, impatient dès le premier instant
ainsi qu’il le sera jusqu’à son dernier mot ;
il ne m’aperçoit pas, et les vaines questions
que l’éternel enfant pose au père éternel,
sans avoir de réponse à sa plainte, que celle
qui a déjà troublé tant de générations,
il ne les connaît pas, pas plus que le répit
de la raison contre le plaisir sans mesure
et l’âpre frein de vos commandements.
Votre sollicitude ? Il n’en est pas instruit,
mais il pleure, mon Dieu. Et cet instinct est pur.
Et déjà, il grandit. Un jour, adolescent,
il comprendra pourquoi ces cris, ce tremblement
quand l’abcès trop gonflé de la vie sera mûr.
Le voici, ô mon Dieu. Sa mère est bien contente ;
moi, je suis sombre comme devant un mourant.
Ayez pitié de lui ; anxieux, je le demande :
il est mon fils. Et lentement, il devient grand.
Hubert VAN HERREWEGHEN, Poésies.
Recueilli dans Anthologie de la poésie
néerlandaise de Belgique (1830-1966),
choix de textes et traduction par Maurice Carême,
Éditions Aubier-Montaigne, 1967.