Les semailles
C’est le semeur. De toute sa taille de victoire
il se dresse
dans l’or courbe du crépuscule.
Sous ses pas, la terre des ancêtres
étend sa nudité sans parure.
Son tablier profond se gonfle de la graine étoilée du blé.
Les sillons de l’an passé attendent dans la soif
sa large poigne et que sa poigne sur les champs
se déploie comme l’aurore.
Sème, travailleur ! – Au nom de la table familiale
que le mouvement de ton bras soit infini !
Va, demain ces blés jetés
tomberont en bénédictions sur la tête
de tes petits enfants.
Sème, travailleur ! – Au nom du malheureux affamé,
Que de ton tablier ta main ne sorte pas pleine
à moitié !
Aujourd’hui, un pauvre, dans la veilleuse de l’église
pour ta moisson de demain mit sa dernière huile.
Sème, travailleur ! – Au nom de l’hostie du Seigneur
que de tes doigts jaillissent les semences lumineuses !
Demain, dans chaque épi laiteux
Mûrira une partie du corps de Jésus.
Sème ! Sème ! Au-delà des limites
comme les étoiles et les flots.
Qu’importe que les oiselets
éparpillent tes graines !
À leur place, Dieu sèmera des perles.
Remplis le sillon ! Engrosse les terres fertiles !
Que du ventre de la terre coulent
les pesantes lumières d’or !
Le jour est devenu le soir.
L’ombre de ton bras s’allonge jusqu’aux horizons étoilés.
Daniel VAROUJAN.
Recueilli dans Choix de poèmes arméniens,
par Garabed Yacoubien et Garabed Poladian,
Liban, 1980.
Traduction de Luc-André Marcel et Garabed Poladian.