Sur l’avènement de Jésus-Christ
Nostre Seigneur
Je sens une gaité nouvelle
Qui me recueille ore le cœur :
Je croy que c’est la flamme belle
D’amour, qui se fait le vainqueur
De la terre et des cieux :
Amour le petit garçonnet,
Qui vient mignon et gracieux
Se présenter tout pur et net...
Cet amour d’une pucelette,
D’une vierge, vierge est sorti :
Luy tout net d’elle toute nette,
Comme des cieux il est parti :
En chants mélodieux,
Les pastourelles et pasteurs,
Conduits d’un astre radieux
De son estre sont les chanteurs.
Voici les Rois, voici les Anges,
Voici les filles et garçons
Qui viennent chanter les louanges
De cet amour en cent façons :
Et le Ciel tout autour,
La terre et tous les éléments
Chantent festoyant cet amour
Par mille et mille ébatements.
Voyez l’Estoile reluisante
Ains bien plustost au beau Soleil,
Qui de sa lumière éclatante
Fais d’une nuit un jour vermeil,
Et nous montre le lieu
Où le grand Roy de tous les Rois,
Qui se faisant ore homme-Dieu,
A pris naissance à cette fois.
Allons, courons voir la Fillette
Qui remmaillote l’enfançon,
Qui dorelote et qui muguette
Son Seigneur, son petit garçon.
Ja les Rois de Levant
Venus luy présentent de l’or,
De l’encens, du myrrhe, et devant
S’agenouillants l’adorent or.
Voyons le Bœuf et l’Asne encore,
Et le bon Joseph à genous,
Dont chacun d’eux l’Enfant adore,
Qui les regarde d’un œil dous.
Une belle clarté
Comme un grand soleil, rayonnant,
Claire va de chaque costé
L’Enfantelet environnant.
Un long bourdonner de musettes,
Dessous un murmure, un parler
De Bergers et de Bergerettes,
Font haut par tout retentir l’air :
Ils viennent à monceaux
De toutes parts joyeusement,
Pour celebrer par chants nouveaux
De la vierge l’Enfantement.
On ouit aux cieux des voix clairettes,
Des trompettes et des clairons
D’Anges, d’Archanges, d’Angelettes,
Qui vont chantant aux environs :
Que gloire soit es Cieux,
En terre la paix et bonté,
L’abondance, voire encor mieux,
Aux cueurs de bonne volonté.
En dépit du Roy de Judée,
Des innocents cruel bourreau,
Cette vierge recommandée
Et cet innocent juste et beau,
Iront en seureté
De Joseph guidez seulement,
Tant qu’en Egipte en sauveté
Ils éviteront le tourment.
L’Enfançon, conduit par la grâce
Du Père et de l’Esprit divin,
Rachetera l’humaine race
Par son propre sang à la fin :
Il fera dedans nous
Renaistre les belles vertus,
Dont premier sans mal ni courroux
Ève et Adam furent vestus.
Les loups et bestes ravissantes
N’offenseront plus nos troupeaux,
Désormais ne seront nuisantes
Les sorcières à nos agneaux :
On lairra seurement
Le soc et la charue aux champs,
Plus ne seront aucunement
Derobez des larrons mechants.
Prenons chacun sa panetière,
Suivons Philanon le berger,
Annete-Philis sa bergère,
Ils nous conduiront sans danger ;
Venez, Jane et Janot,
Anne, Madelon, Collinet,
Marion, Carlet et Margot,
Guillot, Jacquet, Bernardinet :
Adorons l’enfant tous assemble
Pour celebrer cette faveur,
Il nous faut adorer
Les rayons de sa charité,
Qui dans la nuict font éclairer
En nous les rais de sa bonté.
Les fouis mortels de s’enflamer
Au feu non pur qui les consume,
Mais nous voulons bien mieux aimer :
En cette heureuse nuit,
Vierges et purs nous detestons
L’amour impur qui les seduit,
Et l’Amour des Amours chantons.
Chantons d’une amour bien grande
Cet Amour, l’Amour des Amours :
Allons luy présenter l’offrande,
Et requerir de luy secours :
Si qu’en joyeuseté,
Qu’en sons et qu’en beaux chants toujours
Soit chacun an de nous chanté
Cet Amour, l’Amour des Amours.
Jean VAUQUELIN DE LA FRESNAYE.
Recueilli dans Anthologie de la poésie catholique
de Villon jusqu’à nos jours, publiée et annotée
par Robert Vallery-Radot, Georges Grès & Cie, 1916.