Le jardin
L’herbe y est bleue et la haie azurée
De papillons de verre et de bulles de fruits ;
Des paons courent au long des buis ;
Un lion clair barre l’entrée.
Chaque montée est un espoir
Qui se lève vers une attente.
Par les midis chauffés, la marche est haletante !
Mais le repos se trouve au fond du soir.
Des ruisselets qui font blanches les fautes
Coulent, autour de gazons frais ;
L’agneau divin avec sa croix s’endort, auprès
Des jacinthes pâles et hautes.
Des fleurs droites, comme l’ardeur
Extatique des âmes blanches,
Fusent à travers branches,
Vers leur splendeur.
Un vent très lentement ondé
Chante une prière, sans paroles ;
L’air filigrane une auréole
À chaque disque émeraudé.
L’ombre même n’est qu’un essor
Vers les clartés qui se transposent ;
Et les rayons calmés reposent
Sur les bouches des iris d’or.
Émile VERHAEREN, Les apparus dans mes chemins.
Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,
présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,
Duculot, 1968.