La petite Vierge
La petite Vierge Marie
Passe les soirs de mai par la prairie,
Ses pieds légers frôlant les brumes,
Ses deux pieds blancs, comme deux plumes.
S’en va comme une infante,
Corsage droit, jupes bouffantes,
Avec, à sa ceinture, un bruit bougeant
Et clair, de chapelet d’argent.
Aux deux côtés de la rivière
Poussent par tas les fleurs trémières,
Mais la Vierge, de berge en berge,
Cherche les lys royaux
Et les iris debout sur l’eau
Comme flamberges.
Et de sa douce main, enfin,
Détache une chèvre qui broute
À son piquet, au coin des routes,
Et doucement la baise et la caresse
Et gentiment la mène en laisse.
Émile VERHAEREN, Les visages de la vie.