Moine doux
Il est des moines doux avec des traits si calmes,
Qu’on ornerait leurs mains de roses et de palmes,
Qu’on formerait pour le porter au-dessus d’eux,
Un dais pâlement bleu comme le bleu des cieux,
Et pour leurs pas foulant les plaines de la vie,
Une route d’argent d’un chemin d’or suivie.
Et parles lacs, le long des eaux, ils s’en iraient,
Comme un cortège blanc de lys qui marcheraient.
Ces moines, dont l’esprit jette un reflet de cierge,
Sont les amants naïfs de la Très Sainte Vierge,
Ils sont ses enflammés qui vont La proclamant
Étoile de la mer et feu du firmament,
Qui jettent dans les vents la voix de ses louanges,
Avec des lèvres d’or comme le chœur des anges,
Qui l’ont priée avec des vœux si dévorants
Et des cœurs si brûlés qu’ils en ont les yeux grands,
Qui la servent enfin dans de telles délices,
Qu’ils tremperaient leur foi dans le feu des supplices,
Et qu’Elle, un soir d’amour, pour les récompenser,
Donne aux plus saints d’entre eux son Jésus à baiser.
Émile VERHAEREN, Les moines.
Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,
présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,
Duculot, 1968.