Mort chrétienne

 

 

Qu’il te soit fait hommage et gloire, ô mort chrétienne !

Parmi les biens du temps seule réalité,

Seul pain spirituel dont le cœur entretienne

Sur la terre, son fixe orgueil d’éternité ;

 

Qu’il te soit fait hommage et gloire, ô mort austère !

À toute heure qui vient et passe, à tout moment,

Toi dont l’autel d’ébène appuyé sur la terre

Mêle sa flamme à la pâleur du firmament.

 

Qu’il te soit fait hommage à travers les années,

Grave ensevelisseuse ! Ô mort ! Ô noir amour !

Qui dans tes maigres mains détient les destinées

Et qui remplis de ciel les yeux défunts au jour ;

 

Qu’on te louange ! Ô mort pieuse et baptisée !

Mort, qui portes en toi la tristesse des soirs,

Mort sereine, gerbant au fond de la pensée,

Dans les vallons du cœur, la moisson des lys noirs.

 

Mort des moines, mort des martyrs et mort des vierges,

Hosannas traversant d’un vol les cieux hautains,

Ô mort ceinte de feux, de prière et de cierges,

Ô mort qui fais la vie ! Ô mort qui fais les saints !

 

Le juste ne craint pas ta fidélité sombre,

Il regarde au delà des horizons flottants :

Que sont les ans ? Une ombre errant après une ombre,

Dans le brouillard trompeur de l’espace et du temps.

 

 

 

Émile VERHAEREN, Les moines.

 

Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,

présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,

Duculot, 1968.

 

 

 

 

 

 

 

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