Ressouvenir
Appels de cloche à cloche, ô mon âme des soirs,
Entends baller les mélopées,
Autour des tours et des voussoirs,
Lentes, larges, développées,
Entends clamer les tours, ô mon âme des soirs.
Appels de cloche à cloche autour des cathédrales
Et des piliers et des arceaux ;
Répons lointains aux lointains râles
Des chapelles et des caveaux
Où sont broyés des morts, sous leurs plaques murales.
Appels de cloche à cloche, au loin, par les mémoires,
Quand des femmes, en longs manteaux,
Montent, par des ruelles noires,
Mettre leurs cœurs en ex-votos,
Leurs mornes cœurs – aux calvaires expiatoires.
Appels de cloche à cloche et sanglots pour les morts
Et leur prochain anniversaire ;
Glas lourds et funèbres accords
Sonnant malheur, sonnant misère,
Ô mon âme des soirs, entends les morts plaindre les morts.
Émile VERHAEREN, Les soirs.
Recueilli dans Poèmes chrétiens de Verhaeren,
présentés et commentés par André Mabille de Poncheville,
Duculot, 1968.