Vers l’enfance
Les passions d’éveil et de savoir ? – Vidées.
Alors, viens voir ton bel ange gardien, le tien,
Qui lentement s’assied sur tes tombeaux d’idées.
Il te parle, très doucement, de l’autrefois ;
Écoute : et les saluts, jadis, à l’oratoire,
Et les Noël et les Pâques et puis les Croix
Et les âmes des tiens qui sont en purgatoire.
Écoute : et les premiers alleluias chantés,
Et, le samedi soir, les bonnes litanies,
Et les psaumes, de nef en nef, répercutés
Et lents, aux pas égaux de leurs monotonies.
Écoute et les processions – et puis encor
Les ex-votos en Mai dressés sur des estrades,
Et la Vierge Marie, avec son Jésus d’or,
Et les enfants de chœur qui sont des camarades.
Écoute : et du petit village il s’en souvient
Ton cœur ; écoute : et puis, accueille en confiance,
À cette heure d’ennui, ton bon ange gardien,
Le tien, qui te rhabillera de ton enfance.
– Hélas doux, tranquille et clair, il ne ferait
Qu’un bruit, sur mon cerveau, de blanches étincelles
Que mon absurdité bougonneuse viendrait
Lui déchirer les yeux et lui casser les ailes.
Émile VERHAEREN.