C’est la fête du blé...
C’est la fête du blé, c’est la fête du pain
Aux chers lieux d’autrefois revus après ces choses !
Tout bruit, la nature et l’homme, dans un bain
De lumière si blanc que les ombres sont roses.
L’or des pailles s’effondre au vol siffleur des faux
Dont l’éclat plonge, et va luire, et se réverbère.
La plaine, toute au loin couverte de travaux,
Change de lace à chaque instant, gaie et sévère.
Tout halète, tout n’est qu’effort et mouvement
Sous le soleil, tranquille autour des moissons mûres,
Et qui travaille encore imperturbablement
À gonfler, à sucrer là-bas les grappes sûres.
Travaille, vieux soleil, pour le pain et le vin,
Nourris l’homme du lait de la terre, et lui donne
L’honnête verre où rit un peu d’oubli divin.
Moissonneurs, vendangeurs, là-bas ! votre heure est bonne !
Car sur la fleur des pains et sur la fleur des vins,
Fruit de la force humaine en tous lieux répartie,
Dieu moissonne, et vendange, et dispose à ses fins
La chair et le sang pour le calice et l’hostie !
Paul VERLAINE, Sagesse.
Recueilli dans Anthologie de la poésie catholique
de Villon jusqu’à nos jours, publiée et annotée
par Robert Vallery-Radot, Georges Grès & Cie, 1916.