Ô mon âme

 

 

Pourquoi triste, ô mon âme,

Triste jusqu’à la mort,

Quand l’effort te réclame,

Quand le suprême effort

Est là qui te réclame ?

 

Ah, tes mains que tu tords

Au lieu d’être à la tâche,

Tes lèvres que tu mords

Et leur silence lâche,

Et tes yeux qui sont morts !

 

N’as-tu pas l’espérance

De la fidélité,

Et, pour plus d’assurance

Dans la sécurité,

N’as-tu pas la souffrance ?

 

Mais chasse le sommeil

Et ce rêve qui pleure.

Grand jour et plein soleil !

Vois, il est plus que l’heure :

Le ciel bruit vermeil,

 

Et la lumière crue

Découpant d’un trait noir

Toute chose apparue

Te montre le Devoir

Et sa forme bourrue.

 

Marche à lui vivement,

Tu verras disparaître

Tout aspect inclément

De sa manière d’être,

Avec l’éloignement.

 

C’est le dépositaire

Qui te garde un trésor

D’amour et de mystère,

Plus précieux que l’or,

Plus sûr que rien sur terre :

 

Les biens qu’on ne voit pas,

Toute joie inouïe,

Votre paix, saints combats,

L’extase épanouie

Et l’oubli d’ici-bas,

 

Et l’oubli d’ici-bas !

 

 

 

Paul VERLAINE, Sagesse.

 

 

 

 

 

 

 

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