<> <> <> <> <> Gloria in excelsis Deo


Seigneur, Vous avez fait les monts, voisins du ciel,
Les monts graves, froncés comme de vieux visages,
Qui pleurent tristement, dans le deuil des nuages,
L’eau pure des glaciers à flot torrentiel.

Vous avez fait la mer farouche et convulsive,
Qui clame incessamment son long miserere,
Et dont la houle, ainsi qu’un front désespéré,
Frappe, pour s’y briser, la falaise massive.

Vous avez érigé, sous vos bleus pavillons,
Parmi la glèbe, où leur racine les enchaîne,
Le châtaignier géant et le hêtre et le chêne,
Dont les bras étendus bénissent nos sillons.

Vous avez déployé le désert sans limite,
Où, jadis, les lions, à l’ombre des dattiers,
Courbant la majesté de leurs mufles altiers,
Venaient lécher les pieds poudreux de vos ermites.

Vous avez endormi l’étang sous les roseaux.
Et, par l’inculte lande, où la roche s’incruste,
Tel un ruban d’argent sur une laine fruste...
Vous faites frissonner la moire des ruisseaux.

Et, de la même main, Seigneur, qui précipite
Dans les gouffres à pic des fleuves tout entiers,
Vous suspendez aux verts rameaux des églantiers,
Les nids aériens où le printemps palpite.

Vous maintenez debout les sapins foudroyés ;
Et ces héros blessés, fiers de leurs cicatrices,
Sous des bandages frais de mousses protectrices,
Ressoudent les débris de leurs membres broyés.

C’est Vous qui mûrissez les froments et les seigles,
Et vêtez de blancheur le lis noble et loyal.
Et c’est Vous qui creusez d’un froncement royal
La face des lions et le profil des aigles.

Et, dans la sombre mer qui hennit son courroux,
Ou brame longuement ses plaintes grandioses,
Et dans les monts, casqués de glaciers bleus et roses,
Sur qui pointe, en cimier, quelque isard au poil roux ;

Dans la paix des labours où le paysan sème,
Dans les parfums de glèbe apportés par les vents,
Dans les sourires doux qu’ont les soleils levants,
Dans la splendeur des nuits, Seigneur, c’est vous que j’aime.

Je Vous aime dans les oiseaux et dans les fleurs,
Dans le fleuve géant, dans la source où les merles
Cueillent de leur bec jaune, une à une les perles
De la fougère humide et des mousses en pleurs.

Je Vous aime, Seigneur, dans toute créature,
Même dans le grillon qui se terre et s’endort,
À l’heure, où, retenus au ciel par des clous d’or,
Les crêpes de la nuit flottent sur la Nature.

Même dans le crapaud hideux, qui va par bonds,
Seigneur, je vous bénis, car vous l’avez fait naître
Afin que la laideur humble de ce pauvre être
Nous rendît à la fois pitoyables et bons.

Et jusque dans l’abeille et dans la fourmi grise,
Qui donnent aux humains l’exemple du travail,
Jusque dans le plus pauvre et le moindre bétail,
Je voudrais vous aimer comme François d’Assise.

Car Vous êtes partout, et partout je Vous sens,
Seigneur : Vous’ souriez dans les claires aurores ;
C’est vers Vous qu’au matin, la terre ouvrant ses pores,
Exhale ses brouillards d’azur comme un encens.

C’est pour Vous que le soir fait flamboyer sa forge,
Et, sur l’horizon rouge aux lueurs de vitrail,
Dresse, cabré, luttant poitrail contre poitrail,
Le groupe du dragon sanglant et de Saint-George.

Je songe à Votre glaive, ô Seigneur, quand je vois
L’éclair fendre le ciel de sa lame écarlate ;
Et quand l’ouragan passe et quand la foudre éclate,
C’est Votre souffle que j’entends et Votre voix.

Et j’évoque en esprit, dans leur blancheur première,
Les âmes des souffrants, des pauvres et des saints,
Qui, – tels de radieux et splendide essaims, –
S’envoleront un jour vers Vous, vers la lumière !

 

 

Arsène VERMENOUZE.

Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Oeuvre Saint-Charles, 1937.

 

 

 

 

 

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