Le berceau

 

À Mme et M. Z...

 

 

                             I

 

Près de cette bercelonnette,

Entr’ouvrant les rideaux soyeux,

— Que fais-tu, bel ange, Antoinette,

Et pourquoi des pleurs dans tes yeux ?

As-tu peur que l’enfant s’éveille ?

Ta mystérieuse douceur

Préside à son repos et veille

Auprès de ta petite sœur.

Oui, c’est bien ta jeune Marie

Que tu viens de quitter, hélas !

Soir et matin, elle te prie,

Et te tend ses deux petits bras

Du haut de la céleste sphère,

Aimante et bonne, tu l’entends,

Et, d’un coup d’aile, sur la terre,

Tu fends l’azur et redescends.

Mais, avec ta forme éthérée,

Belle âme invisible et sans corps,

Tu ne reviens plus qu’entourée

De tes séraphiques décors :

Un nimbe, une auréole blanche,

Un nuage, un frémissement

Disent que ton ombre se penche,

Apportant du ravissement.

C’est ta pénétrante pensée

Qui se glisse dans ton sommeil,

Et ta sœur Marie est bercée

D’un beau rêve jusqu’au réveil.

Elle te voit, ses lèvres roses

Frémissent, veulent t’embrasser ;

Elle te dit de douces choses,

Et tu lui donnes un baiser.

 

 

                             II

 

Amour et mort ! mystère étrange

Que Dieu nous envoie ici-bas,

Si tu fais communier l’ange

Avec l’enfant aux doux ébats,

Fais germer sur le mausolée

L’espérance, divine fleur,

Pour que la mère consolée

Entrevoie un monde meilleur !

 

 

 

Théodore VÉRON, Les mélodies, 1870.

 

 

 

 

 

 

 

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