Solitude
À des détenus politiques.
Noble fille du ciel, aimable solitude,
Qui de ton front puissant encourages l’étude,
Dont le visage, empreint d’une austère pâleur,
Trahit les aiguillons du chagrin, du malheur ;
Solitude si chère à Michel-Ange, à Dante,
Où l’esprit recueilli devient puissant et tente
De ravir un brandon de ce céleste feu
Que ravit Prométhée au foyer de son dieu,
Je t’aime, car, chez toi, vigoureux comme un chêne,
L’homme fort, dans son droit méprise toute chaîne.
C’est toi qui fais germer la rime au luth penseur,
Et verses dans notre âme un parfum de douceur ;
Car il est doux de voir qu’après tant de misère,
La conscience peut, égrenant son rosaire,
Ranimer nos vertus et venger nos affronts,
Et nous rendre l’honneur, étoile des beaux fronts.
Oh ! j’irai déposer, dans l’ombre et le mystère,
Sur l’autel vénéré de ton pur sanctuaire,
Les vœux du citoyen pour tous les nobles cœurs.
Ah ! puisse ma prière écarter leurs malheurs,
Et bannir à jamais les larmes, la souffrance
Qui creusait ton orbite, ô ma mère ! ô ma France !
Puisse mon vers, empreint d’une noble fierté,
Couronner ton beau front d’amour, de liberté !
1848.
Théodore VÉRON, Les mélodies, 1870.