Les morts
Je les vois : foule à foule ils parcourent la terre,
Arbres secs dont le vent n’arracha pas les feuilles ;
Et dans leur nudité ils trouvent l’allégresse,
Ils affrontent tout nus les rigueurs de l’hiver ;
Dans leurs branches qui craquent la sève est tarie
D’où surgissaient feuilles et fleurs toutes brillantes ;
Leur cœur ne connaît plus le Dieu vivant qui donne
Le printemps à l’année en attente. Et ils miment
La vie, comme s’ils Lui dérobaient sa santé
Pour en peindre leur joue livide ; et ils empruntent
Des mots pour les pensées qu’ils ne peuvent sentir,
Leur langue semble ainsi parler avec le cœur ;
Et dans leur jeu de vie ils vivent bien plus morts
Que ceux qu’avec des pleurs ils donnent à la terre.
Jones VERY.
Recueilli dans Anthologie de la poésie américaine,
par Alain Bousquet, Stock, 1956.